Ramsès II pose un casse-tête pharaonique

La statue colossale du pharaon dressée depuis cinquante ans devant la gare centrale du Caire pourrait bientôt regagner des lieux plus hospitaliers.



IL Y A LES FUMÉES noires des minibus aux carburateurs mal réglés, le nuage de monoxyde de carbone des embouteillages, les sirènes stridentes des trains, les vibrations du métro, les klaxons des voitures passant en trombe sur l'auto-pont qui relie le centre du Caire à la route de l'aéroport, sans oublier les déjections des oiseaux. Triste spectacle pour Ramsès II, le plus grand des pharaons d'Egypte. Ou plutôt pour sa statue monumentale, érigée depuis cinquante ans sur la place portant son nom (prononcer Ramsis, en arabe), devant la gare centrale du Caire. Un crime de lèse-majesté qui, à en croire les autorités égyptiennes, ne devrait pas durer.

L'an prochain, l'imposant monument en granit rose de 11 mètres de haut et 83 tonnes devrait en effet quitter cet enfer urbain pour la quiétude d'un jardin du futur Grand Musée égyptien. Du moins lorsque celui-ci sortira des sables du désert, près des pyramides de Guizeh. Sa construction devrait être achevée au plus tôt en 2007. En revanche, il ne semble plus question pour la statue de retourner dans la palmeraie de Mit-Rahina, en face de la nécropole royale de Saqqarah. C'est là qu'elle fut découverte en 1883, dans les ruines du temple de Ptah, à Memphis, capitale de l'Ancien Empire, délaissée par la suite au profit de Thèbes (Louxor), avant d'être remise au goût du jour sous le règne de Ramsès II (1298-1235 av. J.-C.). Là aussi que sa soeur jumelle gît encore aujourd'hui.

Cela fait plus de dix ans que le transfert du colosse, déjà annoncé comme imminent en 1997, est dans les cartons. Depuis, les experts, archéologues, ingénieurs ou architectes n'ont cessé de se creuser la tête pour trouver comment faire parcourir à un tel monument quelque 30 kilomètres dans les rues surchargées de la mégapole, sans risquer de l'abîmer davantage. Lorsqu'elle a été retrouvée, la statue était brisée en six morceaux et privée de jambe droite.

Il avait fallu un long et délicat travail de restauration pour lui redonner forme royale. Fragilisée par les vibrations, elle est placée depuis deux ans dans un sarcophage en fer, qui la cache presque intégralement aux regards des passants. Reste la question de son transfert, dont le coût est estimé à six millions de livres égyptiennes (environ 875 000 euros).

Certains experts penchent pour un transport du colosse en une seule pièce, d'autres préféreraient qu'il soit découpé en deux ou trois morceaux, puis réassemblé une fois à destination, «comme cela avait été le cas pour sauver les temples de Nubie dans les années 60», souligne Zahi Hawass, le directeur du Conseil suprême des antiquités égyptiennes.

L'hypothèse d'un sarcophage en béton a un temps été envisagée, mais selon la dernière tendance, la statue devrait plutôt être enveloppée dans une gangue en mousse et en caoutchouc, avant d'être placée sur un véhicule spécialement conçu pour l'occasion. Elle traverserait ensuite la tentaculaire capitale égyptienne à la vitesse de 5 km/h, en empruntant le plus solide des ponts qui enjambent le Nil, pour rejoindre sa destination finale.

Le convoyage devrait se faire de nuit pour éviter les embouteillages, et selon le ministre égyptien de la Culture, Farouk Hosni, un seul obstacle se dresse encore sur la route du pharaon : une passerelle pour piétons qui permet de traverser la Corniche du Nil à hauteur du Caire copte. Elle devrait être temporairement démontée.

Ministre désinvolte

Si le transfert de Ramsès II a tant tardé, c'est aussi parce qu'il s'agit d'un symbole national. En 1955, trois ans après avoir renversé la monarchie, Gamal Abdel Nasser ordonna en effet l'implantation du colosse au centre du Caire pour renouer symboliquement avec la grandeur passée de l'Egypte, après des siècles de domination ottomane, française ou anglaise.

Transportée sous les vivats de la foule, galvanisée par les chants patriotiques de la diva Oum Kalsoum, la statue fut érigée devant la gare, rendue célèbre trois ans plus tard par le cinéaste Youssef Chahine dans l'un de ses plus grands films, Bab el-Hadid (Gare centrale). Juché sur un socle à 30 mètres de haut, Ramsès était à l'époque visible à deux kilomètres à la ronde. C'était avant que Le Caire ne se transforme en jungle urbaine, faisant virer le granit rose au gris.

«Le transfert de la statue loin de cette atmosphère polluée est la meilleure décision possible. Cela va mettre fin à cinquante ans de souffrance», a expliqué l'été dernier Farouk Hosni en relançant le projet. En janvier, le ministre de la Culture a cependant paru moins pressé de le mener à son terme, le temps d'achever la construction du Grand Musée égyptien.

«La statue a survécu pendant cinquante ans, elle tiendra bien un an de plus», s'est justifié Farouk Hosni. Une désinvolture qui a eu le don d'énerver certains commentateurs de la presse locale. «Qu'est-ce qui peut bien être plus difficile à réaliser aujourd'hui qu'il y a cinquante ans ?», a demandé un éditorialiste. Sur le ton de la plaisanterie, il a suggéré «de lui mettre un parachute dans le dos et de marquer d'un grand X le site retenu.»

Tangi Salaün - Le Figaro

Ils ont bien réussit à l'amerner devant la grae, y'a des années, ils ont qu'a faire pareil pour la remettre à sa place, en prenant plus d eprécautions, puisque aparrement elle souffre de tout les maux depuis quelle est là